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Une variété de patrimoines viticoles uniques

Le vignoble jurassien, de petite taille, est une source d’énergie et de diversité. Le vignoble jurassien couvre aujourd’hui environ 1 850 hectares, soit 0.2 % de la surface viticole de France.


Historiquement, c’est un vignoble de petits propriétaires et de « petits vignerons laborieux », avec, lorsque la vigne le demandait, une nombreuse main d’oeuvre. Jusqu’au XIXe siècle, tout le monde dans le Jura cultive la vigne, en polyculture, association avec d’autres cultures. Des légumes étaient par exemple cultivés entre les rangs les premières années de plantation d’une vigne. Du chasselas de table a été produit. En 1923, 16 770 propriétaires cultivent 6 272 hectares de vigne. Les 2 000 ha restant sont possédés par plusieurs milliers
de cultivateurs.


Aujourd’hui, les exploitations agricoles ayant une activité viticole dans le Jura sont au nombre de 230 et il existe environ 250 petites exploitations qui vendent intégralement leur récolte de raisins ou la conservent pour leur consommation.


Cet esprit de petit vignoble est valorisant sur le plan de la communication ; ainsi Les Grands Chais de France ont préféré adopter le nom de La Maison du Vigneron.

 

Une variété de vins quasiment unique

La gamme de vins est riche et cette richesse s’accompagne de particularités uniques, de mystères non résolus et d’une inventivité toujours présente.

 

La variété - ancienne - des vins est un trait de personnalité marquant du Vignoble, notamment eu égard à sa dimension. Soulignée par les experts comme Hugh Johnson, elle permet au sommelier de proposer pour l’ensemble d’un repas des accords uniquement jurassiens.


Les vins possèdent une forte typicité, multiple puisque due au cépage, à la conduite de la vigne (ainsi, le Château-Chalon ne connaît pas de mécanisation), à l’élevage sous voile ou avec ouillage, au terroir.


Il existe sept appellations d’origine contrôlée : Arbois, Côtes-du-Jura, Château-Chalon, L’Étoile, Marc du Jura (autrefois surnommé le « chauffe coeur »), Macvin, Crémant du Jura.

 

Les styles des vignerons multiplient encore cette diversité de par leurs pratiques comme le choix des cépages, le travail avec ouillage, le recours à des contenants nouveaux (amphores, oeufs en ciment…)…

 

La gamme des Vins du Jura (CIVJ)

 

Le vin jaune lui-même est produit sur quatre terroirs : Arbois, Château-Chalon, Côtes-du-Jura, L’Étoile. Vin rare, il est élevé avec une matière première luxueuse : le temps. Le vin jaune, c’est le vin du temps long. « Le vin jaune ne saurait être vin de pauvre pressé de réaliser le fruit de son travail pour procurer à sa famille le pain de chaque jour » écrit Charles Rouget en 1897.

 

Bouteilles de Château-Chalon

 

Le vin de paille est lui aussi très spécifique. Il dispose d'une mention traditionnelle (pour les AOC Côtes-du-Jura, Arbois et L'Étoile) qui traduit une méthode d'élaboration très particulière : un rendement limité ; une cueillette sélective des grappes en fonction de la maturité ; un séchage des raisins dans un local aéré sur un lit de paille, sur des claies, ou suspendus pendant au moins six semaines - mais cette durée peut aller jusqu’à six mois ; un pressurage des baies déshydratées regorgeant de sucre pour obtenir un vin naturellement doux qui titre entre 14,5° et 17° d'alcool, et vieillira ensuite au moins deux ans en petits tonneaux ou en fûts de 228 litres selon les maisons. Sa production, confidentielle, représente 600 hl sur les près de 86 000 hectolitres produits par le vignoble aujourd’hui.


Depuis 2008, on fête en janvier la Pressée du Vin de Paille à Arlay.
Le macvin du Jura, connu depuis le XIVe siècle, est un vin de liqueur, produit de l'assemblage de moût et d'eau-de-vie de marc du Jura - d’où l’origine de son nom ; marcvin. Il bénéficie d'une appellation d'origine contrôlée depuis le décret du 14 novembre 1991.

 

Une richesse unique en matière de cépages

Richesse est le mot qui s’applique aussi au patrimoine ampélographique ancien que l’initiative humaine a expérimenté – par essais, erreurs et réussites - sur l’ensemble du vignoble.


Si les cépages ne portaient pas de nom aux XIIIe et XIVe siècles, ils en acquièrent par la suite, et parfois trop, à grand renfort de synonymes et sans beaucoup de rigueur scientifique.


On sait que le pinot rouge est présent à Arlay dès le XVe siècle, le trousseau au milieu du XVIIe siècle… Il faut attendre 1862 et Girod de Miserey pour avoir une liste de trente et un cépages dans le vignoble de Salins, et surtout Charles Rouget (en 1872 et en 1897) qui étudie les quarante cépages plantés dans les vignes du Jura, une richesse plus proche des cantons suisses que de la Bourgogne. Citons l’argant, les petit et gros béclans, le chasselas, le corbeau, l’enfariné, le fariné (sacy), le foirard blanc, le gamay noir, le gueuche noir, le melon, le meslier, le meunier, la mondeuse, le pourisseux, le valais noir.

 

« Roads came fairly late to the region; canals never did. So the Jura evolved, like the marsupials of Australia, in relative isolation, which permitted the planting of grapes like savagnin, ploussard and trousseau that are grown almost nowhere else, made into wines with techniques that in most places would be regarded as downright peculiar. » (« Les routes sont venues sur le tard dans la région. Aussi le Jura a-t-il évolué, comme les marsupiaux d’Australie, dans un relatif isolement qui a permis de planter des cépages peu cultivés ailleurs - le savagnin, le ploussard, le trousseau - pour élaborer des vins avec des techniques qui presque partout ailleurs seraient considérées comme carrément bizarres »).


Ainsi, comme l’indique Eric Asimov (New York Times, août 2006), l’isolement relatif du vignoble a permis une grande richesse de cépages, et donc le mariage de cépages très particuliers à des sols spécifiques, comme le rustique savagnin et les marnes grises. Avant le phylloxéra, les cépages sont souvent complantés. En 2006 encore, le pourcentage de vignes complantées - dont certaines avec des hybrides - était estimé à 10 % du
vignoble.

 

Le nombre de cépages utilisés, notamment en raison des règlements d’AOC, s’est aujourd’hui concentré sur une sélection : le ploussard (poulsard), le trousseau, le savagnin (ou naturé), le chardonnay, le noirin (pinot) - au grand dam de certains vignerons (« Quelle connerie on a fait en supprimant ces enfarinés ! », dit Pierre Overnoy dans La
parole de Pierre). Le chardonnay couvre 50 % des surfaces plantées en vignes, suivi du cépage rouge poulsard (18 %) puis du savagnin (17 %), le reste étant planté en pinot noir et en trousseau.

 

Des conservatoires et jardins de cépages se sont créés, pour sauvegarder 51 cépages identifiés. Il existe ainsi des conservatoires à Champagne-sur-Loue (Association du Haut Val d’Amour), à Château-Chalon (Association des vins de Château-Chalon - avec du gueuche blanc et du fromentin), au Vernois et une collection privée au château de
Molamboz, mais certains cépages ont aujourd’hui disparu, comme la bargine qui était souvent plantée avec le savagnin.


L’INRA a récemment découvert dans le Clos Rosières, la vigne de Pasteur, un cépage inconnu qui a été baptisé Plant Pasteur.


Des vignerons produisent aujourd’hui des cuvées avec des cépages autochtones : le trousseau à la Dame ; le melon à queue rouge (mutation de chardonnay) ; l’enfariné, le gueuche noir, le petit béclan…


L’avenir des cépages jurassiens se joue aussi à l’étranger. On peut lire dans l’Oregon Wine Press (http://www.oregonwinepress.com/treasure-of-trousseau) : « Might the future of Oregon wines will include PTPs (Pinot-Trousseau-Poulsard) ? While the Willamette Valley has long been compared to Burgundy, contemporary winemakers are also seeing resemblances to the Jura. » (« Est-ce que le futur des vins de l’Oregon passe par le trio PTP Pinot-Trousseau-Poulsard ? Alors que la Willamette Valley a depuis longtemps été comparée à la Bourgogne, les winemakers d’aujourd’hui lui trouvent des points communs avec le Jura »).

 

Un événement unique : le Biou

Le Jura possède un événement original. C’est un cas unique de transformation en événement festif de l’épisode très connu et très souvent mis en scène par l’iconographie religieuse de la grappe de Canaan, raconté par la Bible (Nombres, XIII) : « Ils arrivèrent jusqu'à la vallée d'Eschcol, où ils coupèrent une branche de vigne avec une grappe de raisin, qu'ils portèrent à deux au moyen d'une perche ». Cette grappe liée à la terre promise est symbole de richesse et de fertilité. Le cépage est le Néhéleschol, réputé pour être le plus ancien cépage.

 

Biou, vitrail de l'église d'Arbois

 

Le Biou, qui signifie « le plus beau » est un assemblage de raisins rouges et blancs formant une énorme grappe pesant entre 80 et 100 kg. Cet événement collectif capital a lieu chaque année depuis 1665. Il n’y avait que deux porteurs en 1914. Il y eût eut deux bious en 1944 : le premier avec quatre porteurs seuls, et le second, quelques jours plus tard, après la libération d’Arbois, avec toute la population. Le rôle, très envié, de porteur est confié à l’origine aux garde-fruits, puis à partir de 1858 à des vignerons par la Société de Viticulture.

 

Ce sont des milliers de fidèles ou de curieux qui répondent présents le 1er dimanche de septembre. Les vignerons offrent ainsi à Dieu, à saint Just, patron de la paroisse d’Arbois, les prémices des vendanges. Depuis 1922, le dépôt d’une couronne commémorant la Guerre de 14 se déroule le même jour.


Le samedi, le Biou est fabriqué par les vignerons à la Maison Vercel, en face de celle de Louis Pasteur. Le dimanche se déroulent le cortège, durant lequel la grappe est accrochée à un brancard et escortée par quatre porteurs vignerons ; le moment où le Biou est accueilli devant le parvis de l'église puis hissé en haut de la grande nef ; et la bénédiction afin que la récolte de l’année soit bonne.


Les festivités du Biou d'Arbois, inscrites à l'Inventaire du patrimoine culturel immatériel français, s’accompagnent d’artisanats traditionnels comme les bouquets, les piques, les chasubles tissées.


Il existe d’autres Bious copiés tardivement sur celui d'Arbois : à Pupillin (offert à saint Léger), Montholier, Vadans, Villette les Arbois (si le raisin est mûr le 15 août, ce qui fût fut le cas en 2003).

 

Un espace de rencontres et de frontières

L’expert des communautés vigneronnes Claude Royer aimait à parler du Jura comme d’« un point de rencontre entre deux civilisations ». La richesse et la variété que présentent les vins, les cépages, l’histoire et les traditions du Vignoble viennent en grande partie du fait que dans le Jura se multiplient les lignes de rencontre entre les cultures et les influences du nord et du sud, et en présente les aspects doubles selon des lignes de démarcation est-ouest variées situées à peu près autour de la latitude de Lons-le-Saunier. Ainsi pour les démarcations toits pentus / toits plats ; grandes exploitations, grosses maisons / petites exploitations, petites maisons ; villages groupés / hameaux ; caves enterrées / caves semienterrées ou celliers (sud de Lons) ; openfield / bocages ; toponymie dite burgonde (-ans : Passenans) / toponymie romaine (-iacum : -a (Orbagna) –ey (Gevingey) ; langue d’oïl / francoprovençal ; droit coutumier / droit écrit ; assolement triennal / assolement biennal ; élevage laitier / élevage ovin et caprin ; esprit associatif / esprit individualiste.

 

 

 

 

 

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